Un arôme naturel n’est pas nécessairement plus sain ou plus pur qu’un arôme artificiel. Lorsque l’arôme d’amande – le benzaldéide – est dérivé de sources naturelles, tel le noyau de la pêche ou de l’abricot, il contient des traces de cyanide d’hydrogène, un poison mortel. Le benzaldéide obtenu en mélangeant de l’huile de clous de girofles et de l’acétate d’amyle ne contient pas de cyanide d’hydrogène. Néanmoins il est légalement considéré comme un arôme artificiel et vendu à un prix bien plus bas. Les arômes naturels et artificiels sont fabriqués aujourd’hui dans les mêmes usines chimiques, des endroits que peu de gens associeraient à Mère Nature.
Un nez entraîné et une sensibilité poétique
Le petit groupe d’élite de scientifiques qui créent la plupart des arômes de l’essentiel de nos aliment se fait appeler « confectionneurs d’arômes » (ndt : « flavorists »). Ils tirent profit d’un certain nombre de disciplines dans leur travail : biologie, psychologie, physiologie, chimie organique… Un confectionneur d’arômes est un chimiste muni d’un nez entraîné et d’une sensibilité poétique. Les arômes sont créés en fusionnant les effluves de différents produits chimiques en petite quantité – un processus régi par des principes scientifiques mais exigeant des qualités artistiques certaines. Dans un monde où les arômes délicats et les fours à micro-ondes ne coexistent pas facilement, le travail du confectionneur d’arômes est de mettre en place l’illusion sur la nourriture traitée, et, en des termes issus de la littérature des industries du goût, de s’ »assurer de l’appréciation du consommateur ». Les confectionneurs d’arômes avec lesquels je me suis entretenu étaient discrets, en accord avec les exigences de la profession. Ils étaient également charmants, cosmopolites, et ironiques. Un de confectionneurs d’arômes a comparé son travail à la composition musicale. Un composé aromatique de qualité aura ainsi une « note dominante » souvent suivie d’une « descente » et d’un « adieu », différents produits chimiques étant responsables de chaque étape. Le goût d’un aliment peut être radicalement altéré par de minuscules changements dans la composition de l’arôme. « Une petite odeur est issue d’un long chemin », m’a dit un confectionneur d’arômes. Extrait des archives :